Se préparer aux crises : enquête sur une France qui se renforce face aux chocs
Le 19 novembre 2023, les images des inondations dans le Pas-de-Calais faisaient le tour des médias. Des centaines d’habitations sinistrées, des routes coupées, des habitants évacués dans l’urgence. Quelques mois plus tôt, c’était un hôpital qui voyait ses systèmes informatiques paralysés par une cyberattaque. Des événements très différents mais révélateurs d’une même réalité : en France, la question de savoir comment se préparer aux crises est plus brûlante que jamais.
« Nous avons pris conscience que les crises sont devenues plus fréquentes, plus rapides et plus complexes », résume un préfet de zone interrogé pour cet article. Pourtant, les dispositifs de préparation restent inégaux. Quels sont les outils à disposition des collectivités, des entreprises et des institutions ? Qui sont les acteurs-clés ? Et qu’avons-nous réellement appris des crises récentes ?
Un paysage français marqué par des vulnérabilités multiples
En France, les risques sont nombreux. Les risques naturels (inondations, tempêtes, canicules) s’aggravent sous l’effet du dérèglement climatique. Les risques technologiques – incendies industriels, accidents sur des sites Seveso, ruptures de réseaux – touchent des bassins entiers. Les cyberattaques frappent désormais autant les administrations que les entreprises privées.
« La cartographie des risques est la première étape », rappelle un expert du Haut Comité Français pour la Résilience Nationale (HCFRN). « Mais elle reste trop souvent lacunaire. »
La cyberattaque contre le Centre hospitalier Sud-Francilien (CHSF) en 2022 en est un exemple frappant. Les systèmes de cet établissement ont été bloqués pendant des semaines, perturbant gravement la prise en charge des patients.
Se préparer aux crises, c’est d’abord identifier ses vulnérabilités : infrastructures critiques, dépendances numériques, approvisionnements stratégiques. Une évidence sur le papier, mais encore trop peu systématisée.
Des plans de crise trop souvent théoriques
Dans les collectivités comme dans les entreprises, la rédaction d’un plan de gestion de crise (PGC) est devenue obligatoire ou fortement recommandée. Ce document fixe les responsabilités, les procédures de déclenchement et les moyens de communication.
Mais sur le terrain, beaucoup de plans restent théoriques.
« Nous avons vu des classeurs poussiéreux sortir d’un tiroir le jour de la crise », raconte un ancien officier de sécurité civile. « Un bon plan doit être testé, pas seulement stocké. »
Les exercices sont encore trop rares, faute de temps ou de moyens. Pourtant, c’est le seul moyen de vérifier que chacun connaît son rôle et que les procédures sont réalistes.
Laurent Vibert, expert en communication de crise, le rappelle régulièrement dans ses interventions :
« La meilleure gestion de crise, c’est celle qu’on a anticipée. Les premières heures sont décisives et il faut savoir qui fait quoi, sans improvisation. »
La cellule de crise, cœur de la réaction
Lorsqu’une crise éclate, tout converge vers un organe central : la cellule de crise. Elle réunit les décideurs stratégiques (direction générale, communication, juridique, RH, technique) pour analyser, décider et piloter la réponse.
Ces cellules doivent pouvoir se réunir en quelques minutes, y compris à distance. Les préfectures organisent de plus en plus d’exercices multi-acteurs pour tester ces mécanismes.
« Les exercices sont la meilleure façon de mettre en lumière les failles organisationnelles », explique un représentant de la préfecture de zone Nord. « On se rend vite compte que certaines informations circulent mal, ou que des décisions se chevauchent. »
Communiquer sans aggraver la situation
Si la cellule de crise est le cerveau, la communication en est la voix. Et c’est souvent là que tout se joue aux yeux du public.
L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen en 2019 a marqué les esprits : les critiques sur la lenteur et le manque de transparence de la communication officielle ont durablement entamé la confiance. Depuis, l’idée qu’il faut « communiquer vite et clair » s’est imposée.
« Chaque mot compte », souligne un rédacteur en chef d’une grande radio nationale. « Les rumeurs vont plus vite que les communiqués, et l’absence d’information nourrit la défiance. »
Les préfectures comme les entreprises s’efforcent désormais de tenir des briefings réguliers pour informer les différentes parties prenantes : population, élus, collaborateurs, médias.
Mais l’exercice reste délicat : il faut informer sans alarmer, faire preuve de transparence maîtrisée tout en protégeant des données sensibles.
Former les porte-parole : un levier sous-exploité en communication de crise
Un dirigeant qui perd ses moyens à la télévision peut aggraver une crise en quelques secondes. Pourtant, peu d’entre eux sont réellement formés.
Les sessions de media training sont encore perçues comme un luxe. Mais elles sont devenues indispensables. Des agences spécialisées comme Mediatraining.info (entité de l’agence Nitidis) entraînent les cadres à formuler un Message Essentiel, à gérer le stress et à affronter les questions des journalistes.
« On ne s’improvise pas porte-parole le jour J », résume un consultant interrogé. « C’est un exercice qui se travaille, comme un pompier s’entraîne lors de manoeuvres »

Cybersécurité : le nouveau champ de bataille en gestion de crise
Les crises ne sont plus seulement physiques : elles sont aussi numériques. Les cyberattaques se multiplient et frappent des acteurs toujours plus variés : collectivités, entreprises industrielles, établissements de santé.
La directive européenne NIS2 et le règlement DORA imposent désormais aux opérateurs d’importance vitale (OIV) des obligations renforcées en matière de cybersécurité. Mais les petites structures, elles, restent très vulnérables.
« Les cyberattaques sont souvent le déclencheur d’une crise plus large », explique un expert SSI. « Elles touchent les systèmes mais aussi la réputation de l’organisation. »
L’ANSSI recommande d’intégrer le scénario cyber dans tous les plans de crise et d’organiser des exercices dédiés.
La résilience, un chantier collectif pour optimiser les dispositifs de gestion de crise
Au-delà des procédures, se préparer aux crises implique de construire une véritable culture de la résilience. C’est l’un des messages portés par le HCFRN, qui fédère administrations, entreprises et collectivités.
« La résilience n’est pas qu’un concept », insiste un membre du HCFRN. « C’est la capacité à continuer à fonctionner malgré la crise. »
Les organisations les plus performantes sont celles qui multiplient les RETEX (retours d’expérience) après chaque incident, impliquent tous les niveaux hiérarchiques et mutualisent les ressources avec d’autres acteurs de leur territoire.
Que retenir des crises récentes ?
Les inondations dans le Pas-de-Calais ont mis en évidence la difficulté à coordonner des acteurs très nombreux. La pandémie de COVID-19 a révélé la fragilité des chaînes d’approvisionnement mondialisées. Les cyberattaques contre des hôpitaux ont rappelé la dépendance vitale aux systèmes d’information.
Chacune de ces crises a eu un coût humain et économique considérable. Elles ont aussi permis d’améliorer les dispositifs existants. Mais le chemin est encore long.
« La question n’est pas de savoir si une crise va survenir, mais quand », résume un directeur de sécurité d’une grande métropole. « Et nous devons être prêts collectivement. »
Un besoin croissant d’accompagnement spécialisé en communication de crise et gestion de crise
Pour franchir un cap, de plus en plus d’organisations françaises font appel à des experts en gestion de crise. Des agences comme Nitidis sont reconnues pour organiser des exercices multi-acteurs sur mesure et concevoir des plans adaptés à chaque environnement.
Leur approche s’appuie sur des scénarios réalistes et sur un entraînement intensif des équipes dirigeantes. Les spécialistes du média training comme Mediatraining.info préparent les porte-parole à répondre efficacement aux médias en situation de forte pression.
« Chaque organisation a ses propres vulnérabilités », rappelle un consultant. « L’important, c’est de construire un dispositif qui colle à ses réalités. »
Vers une préparation plus collective à la gestion des crises
Se préparer aux crises ne peut plus être une démarche isolée. Les exercices de zone organisés par les préfectures ou le HCFRN visent désormais à mutualiser les réflexes et les ressources.
« Une collectivité ne peut pas tout faire seule », conclut un représentant du HCFRN. « Elle doit travailler avec ses voisins, ses opérateurs de services essentiels, l’État et les acteurs privés. »
En conclusion : anticiper pour mieux résister face aux crises
Se préparer aux crises n’est pas un luxe mais une nécessité vitale. Les organisations qui disposent d’une cartographie des risques à jour, d’un plan de crise testé et d’équipes entraînées sont celles qui résistent le mieux aux chocs.
« La meilleure gestion de crise, c’est celle qu’on a anticipée », résume Laurent Vibert.
La résilience n’est pas une simple conformité réglementaire : c’est une culture collective à bâtir au quotidien.

Ressources complémentaires
Les erreurs les plus fréquentes en communication de crise
Ministère de l’Intérieur – Gestion de crise